(Chronique parue dans la Gazette de Montpellier - novembre 2015)
Le changement de paradigme est au cœur de la raison d’être du mouvement Colibris : aller vers la prise en charge individuelle de nos besoins, pour fonctionner plus sainement en collectif.
Le processus de décision par consentement, adopté par Colibris, propose de miser sur la sagesse d’un groupe, plutôt que sur l’égo d’une minorité, pour prendre des décisions.
Ce processus est l’un des composants de la sociocratie, proposée dans les années 60 par le hollandais G. Endenburg, las de voir les discussions teintées d’affect se prolonger dans l’entreprise familiale sans que des décisions au service de l’organisation soient prises.
Le cercle qui examine les propositions est composé de représentant-es de chaque niveau de l’organisation. Afin que la décision soit prise en tenant compte des personnes qui vont concrètement vivre avec.
Une proposition est rédigée par une ou plusieurs personnes. Elle donne la situation actuelle, et la situation souhaitée, puis par les points fort, les manques, les leviers, les freins pour passer de l’une à l’autre.
La proposition est partagée avec le cercle avant la réunion.
Le groupe devient alors un lieu de consultation et de décision efficace, en plusieurs étapes :
- Le ou les porteur-s de proposition l’exposent.
- Des questions de clarification sont posées le cas échéant : ici, il s’agit de dire si « je comprends ou pas la proposition telle qu’elle est formulée », pas de la commenter. Le-s proposeur-s peuvent répondre sur certains points que « ce n’est pas spécifié ».
- Un tour d’expression a lieu ensuite : chacun-e exprime comment il se sent avec cette proposition, en formulant des besoins satisfaits ou insatisfaits, en suggérant des améliorations éventuelles.
- A l’issue du tour d’expression, un second tour peut être proposé, si besoin.
- Puis le-s proposeur-s vont pouvoir, après avoir entendu les mots de chacun-e, choisir d’amender la proposition, la laisser telle quelle…ou la retirer.
- Un espace de clarification est proposé le cas échéant (« la proposition ainsi amendée est-elle claire ? »)
- Le dernier tour proposé est un tour d’objections. Une objection n’est pas une préférence (« je préfère des légumes plutôt que des fleurs »), ni une obstruction. La personne doit en effet exprimer clairement en quoi elle ne peut pas vivre avec cette décision si elle est prise, en exposant par exemple l’impossibilité pour elle de travailler si cette décision est prise, ou encore le risque objectif que cela fait courir à l’organisation. Et en s’attelant à proposer des modifications de nature à retirer cette objection.
Tout le groupe est alors mobilisé pour tenter de lever l’objection.
C’est en cela qu’une objection véritable est un cadeau. C’est un point de vigilance, qui permet d’enrichir une décision.
C’est le moment de ranger l’égo au placard et de se questionner profondément. Impossible de se cacher derrière un simple « je ne suis pas d’accord » qui bloque le processus.
- Si l’objection est levée : la proposition est adoptée, le groupe en porte la responsabilité. Ce processus vise non pas à prendre « la meilleure » décision, mais à prendre « une » décision.
- Si l’objection est maintenue malgré le tamis de l’intelligence collective, la proposition est ajournée.