(Chronique parue dans la Gazette de Montpellier du 1er février)
A quand remonte la dernière fois où vous avez exprimé une qualité de quelqu'un ? Célébré un petit pas d'un enfant ? Ressenti de la gratitude d'être qui vous êtes ?
De très nombreuses études scientifiques, essentiellement américaines, prouvent les bienfaits de la gratitude et de la célébration.
Ressentir de la gratitude a des vertus pour l'équilibre psychologique et physique (le sommeil, la patience, l'apaisement du système nerveux…) des répercussions puissantes sur les dispositions sociales à aider l'autre, à être optimiste. La gratitude exercée régulièrement allongerait même significativement la durée de vie.
Son impact est réel sur la confiance en soi, sur le sentiment d'appartenance au vivant, celui d'unité intérieure. Sur la conscience de notre interconnexion entre êtres humains.
Cet état est avant tout à découvrir en soi, ce n'est pas une quête extérieure, même si recevoir de la gratitude est un carburant pour contribuer à l'enthousiasme et l'élan de vie de l'autre.
Cette disposition à "transformer chaque routine en jour de fête" (William Arthur Ward), à rendre extraordinaire l'ordinaire, est un ajustement dans l'échange entre donner et recevoir. Echange si déséquilibré dans nos fonctionnements courants.
Notre système éducatif occidental et notre morale dominante nous enseignent plutôt à la réserve, à rester silencieux sur les qualités, à repérer et corriger les manquements, plutôt qu'à encourager l'autre, son enfant, son conjoint, son élève, son employé, et encore davantage… à se féliciter et s'honorer soi-même. De peur probablement de créer des égos disproportionnés et incontrôlables. De manquer l'étape du jugement dernier…
Pourtant, il s'agit de révéler des qualités qui sont déjà là, en nous, des vérités, des évidences et des potentiels au service de tous, qui doivent être cultivés au risque sinon d'être gâchés.
Il est question ici de cultiver cette posture intérieure de gratitude, et cette célébration silencieuse de la vie, tout autant que d'exprimer à l'autre. Les deux sont liés, et il ne s'agit pas d'automatismes, encore moins de devoir moral de "remercier". Un "merci du cœur" vers un "merci relationnel".
Par ailleurs, dans la relation sociale, exprimer sa gratitude offre l'avantage de clarifier, de permettre à l'autre de vérifier où j'en suis, de nourrir un échange sain.
Dans une culture traditionnelle africaine, le traitement multimillénaire encore à l'œuvre aujourd'hui réservé à un individu qui a commis un délit consiste à le mettre au centre du cercle et à lui rappeler une à une ses qualités.
Cette attitude, loin de créer un déséquilibre, contribue à la paix profonde.