En cette période d'interpellation forte pour le devenir de notre civilisation, le clivage « être ou avoir » apparaît souvent.
« Moins de biens, plus de lien », et autres expressions qui invitent à remettre la relation à soi et à l’autre en priorité, avant la sécurité de surface apportée par la possession matérielle. L’"être" avant l’"avoir".
Le « faire » pourrait continuer, quant à lui, à couler des jours heureux et sans conscience pendant ce temps.
Or, faire, sans prendre le soin d’être, c’est s’affairer en surface, gérer, traiter, manipuler (les contraintes, les tâches, les circonstances de notre vie, les autres, ses enfants, soi-même, le passé et l'avenir).
C’est oeuvrer suivant un schéma de "quantité" plus sournois que l'avoir, en quelque sorte.
Et c’est, surtout, rester sans contact avec le sens réel de nos actes.
Difficulté à dire "non", culpabilité de se ressourcer, confusion entre les moyens et les besoins profonds, chercher un emploi plutôt qu'un métier, sont quelques manifestations de ce paradigme.
Cela conduit à l'épuisement que nombre d'entre nous connaissent dans leur vie professionnelle ou personnelle, car ce mode de fonctionnement ne laisse pas de place à la phase ressourçante de nos actions.
Demeurer et revenir au contact de ce qui EST, aussi inconfortable - voire douloureux - que cela puisse être parfois, c'est rattacher nos actes, notre prochain pas, texto, ou courriel, notre prochaine décision, à un terreau nourricier, leur redonner des racines qui plongent dans la nappe phréatique à laquelle le vivant dans son ensemble s'abreuve.
Car c'est faire confiance à la vie, en prenant appui sur son intelligence, en bénéficiant de ses informations, et ses technologies de plus de 4,5 milliards d'années.
Et c'est se placer dans cet espace où le regard s'ouvre sur notre appartenance à plus grand, et ce qui vit réellement en nous. C'est s'inclure soi-même, se donner notre place. Se libérer de repères extérieurs, de la validation exclusive par l'autre, en prenant notre propre mesure. En écoutant la justesse résonner en soi.
Il ne s'agit pas de choisir entre être et faire.
Mais bien de prendre le temps d’une résonnance plus profonde après et avant chaque action.
De propulser nos actions depuis nos capteurs plus profonds et plus denses que le seul intellect : notre corps, nos ressentis, notre in-tuition (étymologiquement : regarder vers l'intérieur, et en Anglais : "enseignement intérieur"), notre in-tention (les forces qui sous-tendent l'action).
Là où l'intellect regrette le passé (qui n'est plus), projette sur le futur (qui n'est pas encore), suit et alimente le flot des pensées et des opinions - ce qui est une autre façon de s'agiter à faire -, est mû par les habitudes, sans voir les choses telles qu'elles sont maintenant et ici. En relation authentique avec soi et les autres.