Chronique parue dans la Gazette de Montpellier le 13 juillet 2017
Ah, cette habitude de s’en remettre à l’autre pour combler nos prétendus manques ! Dans les relations professionnelles, les associations, jusque dans la relation à deux, ce schéma de “manque” est monnaie courante.
Les chansons dites “d’amour” l’expriment bien : quand l’autre n’est pas là, il nous manquerait quelque chose. Les Bill Withers : “Ain’t no sunshine when she’s gone” (il n’y a pas de soleil quand elle s’en va). Ou Enrique Iglesias : “Si tu t’en vas, tu emportes mon cœur, et moi sans toi je ne sais pas où aller”. Ou Paul Young : “Everytime you go away you take a piece of me with you” (à chaque fois que tu t’en vas, tu emportes un morceau de moi avec toi). Ou encore Serge Lama : “Tu m’as privé de tous mes chants, tu m’as vidé de tous mes mots, pourtant moi j’avais du talent avant ta peau.”
Le “ma moitié” du langage courant pour évoquer le couple nous parle de cette croyance de privation, d’incomplétude.
Et si nous nous considérions enfin comme complets individuellement ? Et si nous considérions qu’il convient de retrouver le contact avec cet appui qui existe en nous-mêmes, afin de renouer une relation à l’autre ou au groupe vécu comme un enrichissement ?
Nous pourrions passer de la foule d’êtres courbés les uns vers les autres – et, ce faisant, contraignant, avec des circonvolutions, la vie qui tente de circuler en eux – à un groupe d’individus qui se montrent aussi grands qu’ils sont, et laissent passer la vie, l’inspiration.
La présence à soi-même est le seul moyen de nouer des relations authentiques, de se rencontrer réellement, de nourrir la confiance dans l’épreuve.
Si nous ne nous l’offrons pas d’abord à nous-mêmes, nous pouvons être dans une logique de manque et de quête de la pièce complémentaire. Avec la peur de ne jamais la trouver, le risque de s’agripper et de saisir les moindres miettes qui nous donnent l’illusion de combler ce manque. Et donc le risque de vivre la vie qui n’est pas la nôtre, avec des situations où nous ne respectons pas les limites de notre dignité.
Comment concrètement cultiver cette présence à soi ?
La méditation est, bien davantage qu’un loisir décliné à toutes les sauces marketing, cette attention non contrôlante à ce qui se passe réellement, intérieurement et extérieurement, à chaque instant. Ouvrir le regard vers l’intérieur autant que vers l’extérieur, au supermarché comme en réunion professionnelle.
Cela crée un groupe de personnes qui peuvent offrir la meilleure version d’elles-mêmes et entrer en coopération réelle avec les autres, parce qu’elles sont en coopération avec elles-mêmes. Comme un meilleur copain.